Catherine Lamagat a rejoint NAJE en 2003. Depuis cette date, ses créations musicales accompagnent régulièrement les spectacles créés par la compagnie, notamment ceux issus des grands chantiers. A l’occasion des 20 ans de NAJE, elle a enregistré certains des chants et morceaux instrumentaux composés au fil des ans pour les comédiens. En voici quelques extraits, en prélude du texte écrit par Catherine pour le livre des 20 ans de NAJE.
Remix des chants des comédiens (juin 2018)
Remix des instrumentaux avec les comédiens (juin 2018)
Remix des musiques et chants des chantiers (juillet 2018)
En amont, lorsque je lis le texte, j’imagine parfois des sons qui s’avèrent inadéquats lorsque la scène est travaillée. C’est que l’accompagnement se nourrit pour une grande part de la dynamique du plateau. Bien sûr, il faut avoir noté quelques idées de timbres, de rythme, de mélodie, mais ne pas oublier que la création se déroule sur le plateau avec les comédiens. Au théâtre, c’est en faisant qu’on trouve.
Le tempérament d’un-e comédien-ne participe aussi de la nature de la musique ou du son qui va l’accompagner. On peut ne pas jouer de la même façon lorsqu’un comédien est remplacé par un autre. Il faut réaccorder nos énergies. Le ou la comédien-ne se nourrit également de ce qu’on lui donne. C’est un échange permanent. La sauce monte et prend – on s’entend.
Avec l’expérience, j’ai appris que la musique n’a de sens que si la scène est mieux perçue, entendue émotionnellement. La musique joue parfois ce qui n’est pas vu : ce qui a lieu dans un corps, dans une tête, dans le cœur d’un personnage. Si elle entre et se retire sans que le spectateur n’y ait pris garde, elle a rempli son office.
Du point de vue du visible, sa fonction est ingrate, mais j’aime dire que la musique parle à l’inconscient du spectateur. D’ailleurs, en création, tant que Fabienne n’est pas dérangée par la musique, c’est que, dit-elle, « ça fonctionne » !
La musique en grand groupe : le chantier national
Ils chantent, ils marchent, lentement… Exactement comme on voulait lorsqu’on a travaillé la scène. On l’a répété tellement de fois ce moment, et ça y est, ils sont autonomes. Je suis au milieu d’eux, je n’ai rien à faire d’autre que chanter, marcher. Je suis contente : chaque personne se sent forte, porteuse de ce chant, responsable de ce chant. Et moi, je me sens forte de nous tous.
Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était en 2010, le chant final de « La force des gueux », cinquante personnes chantant à trois voix.
C’est vraiment une expérience exceptionnelle que celle de réaliser la musique avec un grand groupe: un son à cinquante devient un univers à lui tout seul. Dix kalimbas ensemble sont un voyage inédit. Vingt bouteilles dans lesquelles souffler, c’est délicat à utiliser en spectacle, tout comme des verres sur lesquels taper ou glisser un archet de violon, mais le résultat est toujours intéressant.
Les chants à plusieurs étaient déjà présents en 2005 dans « À votre santé », mais c’est en 2010, avec « La force des gueux », que la musique est véritablement devenue plurielle. Toutes celles et tous ceux qui le désiraient pouvaient, selon les besoins de la partition musicale, s’inventer musicien.
On bénéficie aujourd’hui du travail effectué depuis des années avec un noyau de fidèles. L’expérience du chant, du rythme, la confiance acquise permettent aujourd’hui d’embarquer les nouveaux et nouvelles venu-e-s dans des créations toujours plus riches et variées. On explore ensemble des matières sonores, des timbres à marier. Beaucoup ont eu entre les mains des kalimbas, gong, flûtes, tambours, guitare, violon, guimbarde, plexiglas, archet, clavier, bouteilles où souffler, verres où taper, chacun a fait chœur, à trois voix, à deux, en solo…
Jouer ensemble
Au fil des ans, je remarque combien le chant, la respiration, le jouer ensemble – avec d’autres apprentis-musiciens, avec les comédiens – développe l’écoute, le calme en soi, et réinstalle chacun dans son corps, dans son être.
Chaque apprenti musicien apprend à suivre les comédiens, leurs déplacements, leur rythme, leur énergie, les comédiens entendent qu’ils sont accompagnés et connaissent, pour l’avoir éprouvée en tant que musicien, la patience de ceux et celles qui les accompagnent dans l’ombre. Très présents en volume ou en étrangeté, certains sons ne doivent pas interpeller l’oreille et forcer l’œil du spectateur à se tourner vers eux.
Certaines années, on a eu la chance d’une contrebasse (Benoît, sur “Pauvres administrés”, “Le chantier”, Stéphane, sur “Patrie”), d’un accordéon (Marie-France, Pauline), de plusieurs violons (Perrine, Ana, Mathilde) ou d’une guitare, la chance de compétences particulières. D’autres années on a fait la musique avec des brics et des brocs, et ce n’était pas moins bien !