Jean

 

 

En 2000, dans le cadre de notre chantier sur la mondialisation, nous avons rencontré Jeanqui est cadre à Général Electric

Attention, notre compte rendu n’a pas été relu par notre intervenant, il peut donc comporter des erreurs.

 

Le management en question

 Jean travaille à « General Electric » depuis 24 années. Il a commencé comme technicien en service après-vente, puis a progressé et est devenu cadre. Il ne dirige personne car il ne l’a jamais voulu.

L’entreprise fabrique des appareils de radiographie. Elle est structurée en trois pôles, situés à Chicago, Tokyo et Versailles. Il y a aussi des unités de production à Mexico, en Inde, à Pékin, en Hongrie… La General Electric est une des plus grosses entreprises du monde, et celle qui rapporte le plus d’argent. Elle vaut cher, car elle progresse énormément. br>Jean nous explique qu’ils fabriquent les machines mais vendent aussi les services qui y sont attachés : les logiciels, l’entretien, le réseautage entre les machines… « On ne vend plus seulement des machines mais des performances. A la limite, on ne vend plus un appareil de radiographie, on vend les radios et on met à disposition l’appareil pour les faire. »Jean travaille à Buc. Là, il y a 70 % de cadres et très peu de fabrication : ce sont surtout des services d’études, de marketing, de logistique… Buc sous-traite énormément. Les salaires vont de 7 000F à 100 000 F.Les salariés doivent travailler de plus en plus et s’adapter de plus en plus vite. Le discours patronal est le suivant : « Il faut motiver les salariés, vous ne pouvez pas avoir idée de ce qu’on peut obtenir des gens si on les manœuvre bien. » Tout est donc axé sur la motivation. Nous avons des salariés de haut niveau, mais aussi d’autres. Tout le monde doit adhérer à la culture de l’entreprise concrétisée par les « valeurs G. E. »Tous les salariés sont notés de 1 à 4, uniquement sur des critères de comportement : il faut positiver, résoudre les problèmes, être très mobilisé, être disponible aux urgences, savoir respecter toutes les cultures, etc.A Buc, il n’y a apparemment pas de système hiérarchique très fort car nous fonctionnons par fonctions et projets. Dans une équipe de projet, chacun fait pression sur l’autre au cours des réunions de contrôle d’exécution. Je me rappelle particulièrement d’une réunion de contrôle d’exécution de programme. Le chef d’ingénierie était là, par conférence téléphonique. Chacun présentait l’avancement de ses travaux. L’un avait du retard. Le responsable se moquait de lui, et toute l’équipe s’est mise à rigoler avec le responsable. J’ai trouvé cela inacceptable : je ne vais plus à ces réunions. Mon absence est tolérée.Comme nous sommes soumis à l’urgence, il y a une procédure souvent appliquée : le mode crise (« tiger team » = « équipe de crise »). Tous les travaux sont arrêtés, et l’équipe se réunit pour prendre des décisions.Nous faisons parfois les 2/8 sur les périodes de validation des machines produites (tests), car ces opérations de validation immobilisent les machines. Cela permet d’aller plus vite et de coûter moins en temps de machines.La notation des salariés est généralement faite par l’équipe elle-même. Le salarié propose au chef de service quelques collègues de son équipe qui vont l’évaluer en répondant à un grand questionnaire qui traite surtout de l’attitude, de la motivation… Moi je refuse ce système ; je suis donc noté par mon chef.

Voilà mon histoire personnelle

J’ai été de nombreuses années un salarié motivé. Mais je ne suis plus dans le même état d’esprit aujourd’hui.J’avais en charge une étude de faisabilité qui me passionnait et était très valorisante. Elle était presque terminée et j’étais prêt à la présenter. Mon chef de service m’a demandé d’aller pour plusieurs mois dans un autre secteur pour mettre aux normes des appareils et des procédures. J’ai accepté par esprit de devoir envers mon entreprise.Je me retrouve alors dans un petit bureau pour quatre salariés. Les bureaux sont collés au mur si bien que nous nous tournons tous le dos et regardons le mur. Nous sommes 4 alors qu’il faudrait être six sur ce projet : les gens sont stressés, souvent ils posent une question et partent avant la fin de la réponse si elle est un peu longue. Personne ne se parle autrement que pour le travail.Se posent aussi des problèmes de négociation avec la partie américaine de l’entreprise : tous les jours arrivent de nouvelles contraintes… Si bien que je ne peux pas être prêt à la date fixée. C’est là que j’ai craqué. J’ai été malade une semaine. Ensuite, j’ai pris mes congés. Quand je suis revenu, ma chef m’a dit de me calmer et m’a mis un temps de côté, avant de me mettre sur un autre programme. Ils ne tiennent pas à avoir de gros ennuis de personnel car cela se saurait. J’ai été pendant un an et demi sous contrôle médical avec médicaments contre l’anxiété et la dépression.Pendant que j’étais sur cette mission d’urgence, mon étude de faisabilité a été donnée à un autre, et je n’ai donc jamais pu la terminer. Cela m’a scié de ne pas finir ce projet. C’est depuis cela que je refuse le système de notation.Avant cette histoire, j’étais expert, maintenant je ne suis plus qu’un ingénieur lambda, et je ne me sens plus motivé comme avant.Ce système de management est donc loin d’être parfait. Il marche quand même parce qu’il y a des chômeurs dehors, mais les ingénieurs ont tendance à partir ailleurs. Il faut savoir qu’un nouvel ingénieur met deux ans avant d’être réellement efficace, mais les nouveaux arrivés sont jeunes et malléables : ils rentrent dans le moule dès leur arrivée. Chez nous, on a beaucoup licencié depuis plus de dix ans mais maintenant, la direction ne fait plus de grands plans de restructuration : elle préfère proposer des départs négociés aux salariés de plus de 55 ans et ne pas les remplacer (ce qui permet d’amortir vite les frais de licenciement) ou les remplacer par des jeunes dont le salaire sera beaucoup plus faible (moins 40 %).

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