Dans le cadre de notrre chantier sur les alternatives de vie en 2005, nous avons rencontré Michel Besson de Andines
Notre compte rendu n’a pas été relu parMichel Besson, il peut donc comporter des erreurs.
Les compte rendu
Michel Besson commence par nous relater l’histoire personnelle qui l’a amené à créer Andines. Il a vécu 4 années dans une communauté indienne en Colombie pour y travailler sur la question de la santé et y former une équipe de 30 intervenants en santé communautaire. Sa démarche était clairement basée sur l’échange et non sur l’imposition aux indiens de manières de penser la santé et la médecine à l’eouvre en Europe.
A cette occasion, il a rencontré un système d’organisation sociale différent :
1/ pas de propriété privée des terres et des maisons qui sont réparties entre les membres de la communauté en fonction de leurs besoins.
2/ Une démocratie en œuvre car toutes les décisions sont prises de manière collective au cours d’une réunion par semaine du Conseil de la communauté qui change tous les ans.
Cette expérience a été rendue possible par l’aide du réseau ouvrier de Michel besson qui l’a soutenu en lui envoyant 500 francs par mois pour sa vie sur place pendant les 4 années. Elle s’est terminée parce que l’armée à expulsé Michel Besson de la zone.
Michel Besson arrive alors à Bogota où il va rester 6 mois et rencontrer une autre expérience communautaire dans un des quartiers les plus pauvres de la ville. Il s’intéresse alors au fait que les gens du quartier urbain ont conservé des liens avec les habitants des campagnes dont ils sont issus et échangent avec eux des produits agro-alimentaires et surtout qu’ils pratiquent ces échanges en se respectant les uns les autres et en considérant que chacun doit vivre de son travail.
Michel Besson rentre en France en 1987. Les indiens et les habitants de Bogota lui ont proposé d’essayer d’inventer un système d’échange respectueux avec eux afin qu’ils puissent exporter leur production. Il va alors voir ceux qui l’ont soutenu financièrement pendant son périple, leur propose cette idée et leur demande de cotiser. Il faut en effet trouver de l’argent pour commencer. Une SARL est créée, un magasin est loué dans Paris et une équipe de trois personnes se met au travail.
Pendant 4 années, cette équipe ne trouvera pas les moyens de se salarier et travaillerade manière bénévole. Michel besson mentionne qu’il n’y a rien là de très extraordinaire, que la plupart des petites entreprises qui se montent vivent un ou deux ou trois ans sans pouvoir fournir de rémunération.
En 1989, Andines a voulu qualifier son activité et a déposé le nom de » commerce équitable « . ce nom est aujourd’hui passé dans le langage courrant.
Aujourd’hui Andines emploie 7 salariés et est devenue une SCOP (société coopérative de production) et a un chiffre d’affaires de 1 150 000 euros. Andines a commencé a distribuer des produits artisanaux et ne s’est lancé dans l’agro-alimentaire que plus tard.
Andines est résolument centrée sur la notion de commerce. Il ne s’agit absolument pas d’aider les pays du tiers monde mais de commercer avec des producteurs et artisans.
Michel Besson nous livre une histoire qui image cette position : Il y a 5 ans, Andines voulait commencer la vente de sucre. Le sucre s’achète par container d’un prix de 70 000 francs payable d’avance. Mais Andines n’a pas les liquidités permettant cette avance. Ce sont les producteurs de sucre de l’Equateur qui ont finalement décidé d’aider Andines qui n’arrivait pas à obtenir de prêt bancaire. Ils se sont réunis et ont proposé de livrer le containeur de sucre et d’attendre 45 jours après livraison pour être payés. C’est ainsi qu’Andines a pu commencer à commercialiser le sucre.
Pour le café, c’est un particulier français qui a prêté ses économies : 550 000 francs. C’est son prêt qui a permis de commencer la filière café.
Le fond de roulement d’Andines est constitué par les prêts que leur ont octroyé 13 cigales prêtant chacune une somme de 5 000 à 10 000 francs et de structures plus importantes comme l’ANEF et la Garrigue qui sont elles aussi des structures de développement solidaire.
La démarche de commerce équitable nécessite de lier de vraies relations de respect et de confiance entre les partenaires. Cela prend deux ans en moyenne pour monter une filière (et personne ne finance ce travail important de deux années). Il faut se mettre d’accord ensemble sur quels sont les prix justes pour chacun (pour celui qui produit la matière première, pour celui qui la manufacture, pour celui qui la transporte, pour celui qui la vend ici) et il faut mettre en place entre tous les partenaires une transparence absolue.
Andines ne travaille pas seulement avec des structures implantées dans les pays du Sud. Elle essaie aussi de mettre en place des filières en France avec des agriculteurs.
Aujourd’hui les 7 coopérateurs d’Andines ne peuvent se rémunérer qu’au SMIC. Ils estiment tous que cela n’est pas suffisant mais que plus n’est pas actuellement possible compte tenu des réalités.
Andines a aussi créé un réseau des promoteurs de commerce équitable en France qui réunit plus de 80 structures.
Andines refuse d’entrer dans la grande distribution estimant que les règles qui y sévissent ne sont pas celles d’un véritable commerce équitable.
Quelles sont les difficultés d’Andines :
– La difficulté principale est celle des financements. Les banques n’ont jamais voulu prêter à Andines, estimant que la structure ne fait pas assez de bénéfices pour prendre en charge les taux de prêt. Une banque lui a proposé comme alternative de lui ouvrir une autorisation de découvert de 200 000 francs au taux de 12,5% tout en lui refusant un prêt de la même somme qui aurait eu un taux bien inférieur.
Par ailleurs, Andines, se situe dans le commerce et par principe, ne demande pas de subventions publiques pour son activité de commerce.
– Avec les producteurs partenaires, il y a finalement peu de grosses difficultés : il y a 15 ans, des femmes qui produisaient des bijoux au brésil ont décidé d’un seul coup de doubler leurs prix, sortant ainsi de la démarche d’équité entre les partenaires. Pour le café, Andines a du passer pendant trois ans par une structure mise en place par le gouvernement colombien qui prenait 14% de marge. Il a fallu lutter mais les paysans colombiens ont finalement obtenu le droit de monter leur propre structure d’exportation qui ne prend plus que 6%.
Avec les producteurs français, il y a des limites qui sont données par les habitus : Andines exige une transparence entre les partenaires à laquelle les agriculteurs français ne sont pas habitués. Par exemple, pour eux, donner à voir leurs comptes d’exploitation n’est pas chose aisée.
Il y a aussi la concurrence : certains produits commercialisés par Andines ont très bien marché. D’autres commerçants ont alors décidé d’importer le même type de produit en les vendant moins cher.
Il y a enfin les relations avec les collectivités territoriales : Andines essaie de les convaincre de devenir partenaires et d’acheter en commerce équitable. Les résultats des démarches d’Andines sont très loin d’être probants. Ils ont par ailleurs la contrainte des marchés publics.
En interne, le travail d’équipe des coopérateurs n’est pas simple. Certains, les fondateurs, acceptent de travailler plus de 12 heures par jour. D’autres, les plus nouveaux qui ne sont pas à l’initiative de la structure, s’en tiennent aux 35 heures. Il y a donc des disparités qu’il faut gérer. Il faut comprendre les points de vue de chacun, faire avec les différences… Ce n’est jamais simple. Pour autant ces questions d’équipe n’ont jamais mis en difficulté la vie de la structure.
Les questions, étonnements et réflexions que cette intervention soulève pour les participants :
– Le fait que seulement 3 personnes aient réussi à mettre en place une action d’une telle envergure et non une super structure ; de plus sans aucun fond financier à l’origine. Cela paraît extraordinaire et renvoie chacun à re-questionner sa propre capacité d’action ou les raisons de son impression d’impuissance.
– Le fait que cela ait été fait sans demander d’aide à l’Etat qui nous questionne sur notre propre rapport à l’Etat et à ses structures.
– Le fait de lier deux notions qui paraissaient antagonistes : le commerce et l’équité. Et que cela fonctionne.
– Le fait que l’équipe d’Andines travaille énormément et accepte de se rémunérer au salaire minimum. Cela pose aussi la question des bénéfices autres que financiers qu’ils en retirent.
– Le fait que Michel Besson semble comprendre que certains coopérateurs travaillent plus de 50 heures par semaine et d’autres 35h pour le même salaire. Michel besson répondra qu’il ne comprend pas que certains s’ennuient en percevant le RMI alors que d’autres doivent travailler plus de 12 heures par jour.