Bertrand Bellet

Dans le cadre de notrre chantier sur les alternatives de vie en 2005, nous avons rencontré Bertrand Bellet de la scop Beriat bâtiment

Notre compte rendu n’a pas été relu par Bertrand Bellet, il peut donc comporter des erreurs.

 Le compte rendu

 Bertrand arrive dans la Scop deux ans après la création à Beria Bâtiment. Aujourd‚hui, cela fait 28 ans qu‚il y travail a Grenoble.

 Bertrand nous raconte son parcours de vie. A 16 ans il quitte l‚école ( » libéré des obligations scolaires et familiales « ) et choisi le métier de menuisier. Il entre dans le compagnonnage, il nous dit que c‚est une structure d‚hommes, avec un discours très fort. Par le compagnonnage, il travaille pendant 2 ans dans des monuments historiques (rénovation), très passionné par ce qu‚il fait, il acquiert de l‚expérience grâce à ce travail où il était apprécié.

Il est ensuite engagé dans une entreprise traditionnelle où il devient vite responsable d‚un atelier avec des ouvriers de 40-45 ans. Il a 20 ans et remplace le chef d‚atelier qui part à la retraite. Bertrand nous raconte que l‚entreprise classique ne lui permet pas de transmettre ce qu‚il veut aux autres. Cette inégalité de fonction ne permet pas de partager. Seul la compétence est utilisée en contrepartie d‚un salaire, il n‚y a pas de participation à un projet. Il a envie d‚autre chose et décide de partir.

Par hasard il trouve une coopérative, avec encore un menuisier de 60 ans qui lui transmet beaucoup de savoir. Ca lui plaît beaucoup, car il y trouve un projet politique, un projet collectif, qui lui convient : égalité entre tous et chacun apporte ses projets : ambiance nouvelle : assemblée générale, débat, affectivité dans le travail (la notion de hiérarchie remplaçait tout ça ailleurs).

Mais dans cette Scop, les travailleurs sont pour la plupart des architectes, ensemble, ils n‚arrivent tout d‚abord pas à fonder une entreprise rentable car les gens ont presque tous les mêmes qualifications. Malgré cela, le projet de tous est de construire et faire fonctionner cette Scop, ils montent l‚atelier bois. Mais l‚entreprise ne gagne pas assez d‚argent et petit à petit le bilan diminue.

Pour redresser l‚entreprise et lui donner plus de visibilité, le groupe de la Scop crée seulement deux unités: la menuiserie et la maçonnerie. Quand elle a été redressée, les architectes qui sont devenus maçon pour l‚occasion quittent la Scop, c‚était trop contraignant. Bertrand recrée avec d‚autres l‚entreprise en 1981. Pour la faire tourner il embauche 7 personnes. Ce n‚est tout d‚abord pas facile de retrouver un équilibre. C’est-à-dire de : fonder une activité où il peut s‚exprimer, avoir de l‚écoute collective et individuelle, trouver un chemin, collectivement et que l‚entreprise soit reconnue professionnellement.

A cette époque, tous les fondateurs de la Scop étaient très jeunes. Dans les 7 personnes qu‚il a embauchés, 3 étaient de plus de 50 ans. Bertrand nous dit que de faire rentrer des mecs de 50 ans dans une scop, c‚est très difficile car il faut leur faire comprendre la différence entre un système d‚entreprise traditionnel et une Scop. Pour cela il faut faire rentrer les personnes dans un cycle de formation technique et démocratique.

Ainsi le projet a beaucoup évolué. Au départ les personnes se ressemblaient beaucoup,  » c‚était pas trop difficile de s‚entendre et pas trop innovant  » car les gens de même niveau et de même classe sociale cela crée un enfermement social. Avec le temps et les changements, l‚entreprise est devenue plus visible grâce aussi aux travailleurs de milieux sociaux et d‚âge beaucoup plus variés. L‚entreprise continue d‚embaucher surtout des gens très jeunes et de toutes qualifications. Avec des travailleurs de milieux variés et des nouveaux engagements, cela empêche l‚action collective de se scléroser et de devenir trop  » cocooning « .  Là tout est débattu les gens votent à bulletin secret, la majorité de décision est à 53%, et il faut donc suivre la majorité même si l‚ont est pas d‚accord. Bertrand nous dit que pour que le travail soit fait dans un esprit collectif il faut tout débattre tout le temps.

Le fonctionnement de la Scop :

Cinq éléments à retenir :

–  la mixité, générationnelle.

– la plasticité (tout est possible, on change de règle sur salaire, par ex.)

– le risque : constant, culture du risque (on décide d‚embaucher des non compétents : le risque est provoqué)

– l‚affection : la question de la peur,  » d‚avoir de l‚estomac  »

– le temps :  » le refus de l‚autre est instantané, la découverte de l‚autre est progressive  »

Tous les embauchés sont associés. Ils sont embauchés la première année en CDI et au bout d‚un an ils doivent faire une demande pour devenir associé. (Ce n‚est pas facile pour tout le monde de prendre autant de responsabilité et des gens qui sont partis parce qu‚ils ne voulaient pas devenir associé.)

Au moment de l‚embauche, on ne sélectionne pas en fonction du projet de l‚entreprise, on embauche des personnes qualifiées et non qualifiées. Il y a maintenant d‚ailleurs une partie des associés qui font opposition car ils voudraient n‚embaucher que des personnes qualifiées, pour être plus rentable.

Pour le cycle professionnel on essaye de prendre des jeunes en CAP pendant 4 ans. Par exemple, deux personnes ont été embauchées sans formation de départ, elles étaient en grande difficulté. Une sur 6 ans dans l‚entreprise a fait 4 ans en prison mais l‚entreprise l‚a socialisé.

Beria Bâtiment ne répond qu‚à des appels d‚offre, mais dans le monde des entreprises traditionnelles, il y a deux fonctionnements :

– l‚appel d‚offre

– le marché d‚entreprise de travaux publics : si la collectivité locale qui veut construire un lycée par exemple, et qu‚elle n‚a pas d‚argent, elle crée une concession d‚entreprise générale (l‚entreprise devient concessionnaire). La collectivité achète seulement l‚usage d‚un lycée pour la collectivité (leasing à l‚Etat en fait). L‚entreprise se transforme en banquier. Au final, ça coûte 1,5 fois plus cher à la collectivité

Les salaires

1) Au départ, salaire égalitaire : risque : trouver beaucoup de non compétence et pas de compétence, mettre en valeur les inégalités sociales. (Par exemple, quand on n‚avait plus rien à bouffer le fils de bonne famille il a toujours de la ressource à l‚extérieur).

(Cette formule à été abandonnée puis reprise, puis ré abandonnée)

2) à l‚inverse on a fait aussi le salaire basé sur la qualification en fonction du barème des conventions collectives : j‚offre une compétence qui est reconnue d‚entrée, indépendamment de tout le reste (investissement réel dans l‚entreprise, comportement, capacité à prendre des responsabilités, etc.<sum>toute chose d‚égale importance que la compétence stricto sensu).

Les principaux sujets remis en cause et discutés par les associés de Beria Bâtiment :

– Pourquoi changer de métier 4 ou 5 fois dans la vie, car quelles compétences acquiert-on. Cela crée de la  flexibilité, peu de compétences et peu d‚emplois.

– L‚inégalité vient du rapport à l‚entreprise

– Le problème de la mixité sociale : ça fonctionne mais c‚est dur concrètement dans le quotidien (Par exemple, l‚apprenti qui est raccompagné par un gars qui conduit sans permis).

– Les affinités avec l‚entreprise pour former un groupe solidaire qui coûte en investissement.

Les difficultés rencontrées :

Réussite, mais aussi crise et dépression. A un moment on a perdu énormément d‚argent. Proche du dépôt de bilan. C‚était au moment des jeux olympiques d‚Albertville, 3 millions de francs ne nous on pas été payés pour la construction d‚un hôtel. On s‚est battu pour obtenir l‚hôtel (dation en paiement) et on est devenu gérant d‚hôtel ! Il a fallu exploiter l‚hôtel pendant 10 ans pour nous rembourser et puis on l‚a vendu.

Pour d‚autres cas ou l‚on n‚a pas été payé, on a enlevé tout ce qui est nécessaire au bon fonctionnement (toutes les portes dans un palace de Vichy !) et le soir même on a pu négocié.

 

Une coopérative, si elle veut être indépendante est confrontée à tout ça.

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