Dans le cadre de notrre chantier sur la démocratie en 2006, nous avons rencontré Christophe Noisette
Notre compte rendu n’a pas été relu par Christophe Noisette, il peut donc comporter des erreurs.
« Donner les clefs pour construire le débat citoyen »
Le 20 janvier, Christophe Noisette est venu nous parler des organismes génétiquement modifiés (OGM). Christophe fait partie de l’association Inf’OGM, créée en juillet 1999, pour diffuser une information dans un langage compréhensible par tous.
Le gouvernement français a récemment mis en place un Comité des sages chargé de réfléchir aux OGM et, en particulier, aux expérimentations en champ (à l’extérieur). Mais pour l’heure, les citoyens sont totalement exclus du débat. Comment organiser un débat démocratique sur ces questions fondamentales liées à notre environnement, notre alimentation et notre santé ? En s’informant pour disposer des clefs permettant de saisir les enjeux.
Qu’est-ce qu’un OGM ?
Le génie génétique permet d’intervenir directement sur la molécule d’ADN (acide désoxyribonucléique). Cette molécule contient toute l’information héréditaire pour l’ensemble des êtres vivants, c’est-à-dire le programme des cellules. La capacité de modifier et transférer du matériel génétique d’une espèce à une autre permet de produire des organismes vivants avec des caractères nouveaux qui n’existent pas naturellement. Les OGM peuvent être des plantes, des animaux ou des micro-organismes.
Pourquoi des OGM en agriculture ?
Pour être plus « efficace », pardi ! L’application du génie génétique en agriculture est opérationnelle depuis les années 1980 avec les premières autorisations d’essai en champ de tomate transgénique résistante à un herbicide. En 1994, les premiers aliments issus d’OGM sont commercialisés (tomate à mûrissement ralenti, lait produit grâce à une hormone de croissance forçant la lactation des vaches).
– La tolérance aux herbicides ou la résistance aux insectes sont devenues les priorités de l’agriculture génétiquement modifiée.
– La transgénèse en agriculture se concentre sur quelques cultures (soja, maïs, coton et colza). 75 % des cultures se trouvent en Amérique du Nord.
Quels sont les risques ?
Pour les biologistes moléculaires et les laboratoires qui les produisent, les OGM ne sont pas des organismes fondamentalement nouveaux, les techniques moléculaires n’étant selon eux que l’extension des techniques conventionnelles. Pour d’autres spécialistes (écologues, biologistes des populations, médecins, agronomes…), des risques peuvent survenir : pollution irréversible, perte de la biodiversité, toxicité, allergies, résistance aux antibiotiques, etc. D’après eux, les résultats des tests confinés en laboratoire et en champs expérimentaux ne sont pas suffisants pour évaluer les risques encourus.
– On ne connaît pas les conséquences de l’intégration d’un transgène dans un processus d’évolution à moyen terme. Les morceaux d’ADN transférés ne contiennent pas seulement le gène cible (celui qui permet la résistance aux insectes, par exemple) mais aussi de l’ADN « poubelle ».
– A force de transférer des gènes d’une espèce à l’autre, on transgresse les barrières entre elles. Comment évoluera la diversité biologique ? Comment se feront les équilibres entre espèces (dont l’espèce humaine) ? Nul n’a la réponse…
Le droit chamboulé
– Les OGM ont un statut particulier. Ce sont des êtres vivants brevetés car ils existent grâce à des procédés techniques spécifiques.
– Quelques multinationales récupèrent des droits exclusifs sur une espèce. On a évoqué le cas de cet agriculteur canadien contraint de payer une amende de 15 000 dollars à Monsanto car on avait retrouvé des OGM dans son champ alors qu’il n’en avait jamais planté. Monsanto l’a accusé d’utiliser « ses » semences alors que ce sont les champs d’OGM environnants qui avaient contaminé ses cultures.
– Citons aussi le cas de cet agriculteur bio qui produit du maïs, normalement garanti avec 0 % d’OGM. Mais les champs environnants ont contaminé le sien. Lorsque l’on a analysé l’ADN de son maïs, il est apparu qu’il contenait un gène étranger. Le paysan n’a pas pu vendre sa récolte en bio et il a dû assumer seul toutes les conséquences, notamment financières, de cette contamination. Qui est responsable ? En matière d’OGM, rien n’est encore bien établi.
Exiger plus de transparence
– Les avancées technologiques sont si rapides que nous perdons vite le fil et le contrôle des choses. Il y a à l’heure actuel un moratoire en France sur la commercialisation des OGM.
– On attend un minimum de transparence. Les choix opérés par la recherche scientifique, la nature des OGM produits, les lieux d’expérimentation en champ, le fonctionnement des commissions d’experts, l’identification des responsabilités, la traçabilité des aliments et l’étiquetage des produits… tout cela nous échappe encore.
Contact : www.infogm.org
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Pourquoi arracher des OGM ?
Carole est une militante anti-OGM, qui a participé à deux opérations d’arrachage dans des champs. Le samedi 19 janvier, elle est venue nous expliquer le sens de telles actions.
« La communauté scientifique cherche… mais sans les citoyens. Nous, citoyens, on dit non. » Pour Carole, les choses sont claires : même si les cinq ou six grands laboratoires qui contrôlent le marché mondial s’efforcent de verrouiller tout accès à l’information, quinze années d’expérimentation des OGM, aux Etats-Unis et au Canada, permettent de se faire une première idée, peu reluisante, de leurs effets : si les premières années ont été jugées rentables, depuis, l’épuisement des sols a fait chuter les rendements ; certaines mauvaises herbes sont contaminées et deviennent, elles aussi, résistantes aux herbicides. Et n’allez pas faire croire à Carole que le transgénique va permettre d’éradiquer la famine : « Nous, on sait que le seul moyen d’y parvenir, c’est donner aux gens du Sud les moyens d’une production autonome pour eux-mêmes… »
C’est ce constat qui a conduit des ariégeois à se réunir pour mener une action sur le terrain. « Dans notre département, il y a plein de cultures biologiques que les OGM mettent en danger », explique Carole. Un membre du groupe ayant eu connaissance qu’une parcelle agricole servait de cadre à des expérimentations sur les OGM, tous les « copains-copines » (militants verts et écolos, membres de la Confédération paysanne, simples citoyens…) se sont mobilisés pour essayer de trouver la parcelle en question. « Avant, elles étaient signalées par des fanions. Comme il y a eu des destructions, les fanions ont été enlevés », explique Carole. Elle nous a d’ailleurs expliqué que la mairie du lieu était forcée d’accepter tout comme l’agriculteur : mais celui-ci bénéficie d’un dédommagement financier qui le pousse à se taire…
Deux actions successives ont été menées. « En 1999, nous étions 300. Bien sûr, les gendarmes étaient là, car nous avions fait appel à la presse pour qu’on parle des OGM… Il y a eu un procès, mais nous l’avons utilisé pour porter le débat publiquement. » D’ailleurs seuls les représentants associatifs comparaissaient car le tribunal ne pouvait juger 300 personnes, c’était trop. Et les prévenus n’ont eu qu’un franc symbolique à régler.
« En 2000, un autre champ a été identifié, et nous avons recommencé ! Cette fois, nous avons décidé de nous déguiser en « demoiselles » : une coutume locale, où les hommes se déguisent en femmes, tout en blanc et masqués… Une centaine de véhicules étaient au rendez-vous. Nous avons arraché le champ d’OGM dans une ambiance de fête champêtre, en se donnant des nouvelles des enfants, des amis… Le maire a appelé la gendarmerie. Les gendarmes sont arrivés débonnaires, affables… Ils prenaient des photos de nous et de nos plaques d’immatriculation. Nous les avons laissé faire, nous avons même plaisanté ensemble. »
Comme en 1999, une plainte a été déposée par le CETIOM mais, cette fois-ci, on pense que le tribunal mettra des amendes et de la prison parce que le débat s’est durci partout et qu’il y a eu d’autres jugements… Et voilà Carole avec un vrai dilemme : « Je veux être citoyenne et revendiquer cet acte de résistance et de désobéissance civile car l’arrachage est aujourd’hui un des seuls moyens d’action de ceux qui se battent contre les OGM… Mais voilà : je suis entrée dans la fonction publique et, pour cela, il faut un dossier judiciaire vierge. Alors : je revendique mon acte ou je laisse aller les copains sans moi au tribunal pour protéger mon avenir professionnel ? » Vivre en accord avec ses convictions ou vivre selon la loi ?