Deux faucheurs d’OGM

Dans le cadre de notre chantier intitulé Politique, nous avons rencontre le 30 mars 2003, deux faucheurs volontaires.

Attention, notre compte rendu n’a pas été relu par nos deux intervenants, il peut donc comporter des erreurs.

Le compte rendu

Le mouvement des faucheurs est né sur le plateau du Larzac lors d’un grand rassemblement en 2003. Jean-Baptiste, militant, fait le constat que  1- il n’y a pas de débat public concernant les OGM 2- les militants de la confédération paysanne sont les seuls mis en difficulté quand est réalisé un acte de fauchage. Une charte est alors élaborée pour que des citoyens adhèrent car nous sommes tous concernés par les OGM. Le mouvement est un collectif, pas une association ni un syndicat. C’est en 1996 que Greenpeace et la confédération paysanne organisent les 1ères actions.

Le mouvement n’existe pas juridiquement. Il n’est pas saisissable. On ne peut pas envoyer au tribunal les responsables. Chaque individu intervenant ne représente que lui-même. Même les plus connus d’entre nous – Beauvais, Mamère – ne sont jugés qu’en tant qu’eux-mêmes.

Les faucheurs veulent être jugés. Nous agissons à visage découvert et avant une action, nous donnons même la liste des gens qui vont faucher.

Devant les tribunaux de Toulouse et Rioms, toutes les personnes qui ont participé au fauchage revendiquaient d’être jugées. Le tribunal de Toulouse a considéré que tous étaient les complices de Mamère ou Beauvais ! Du coup, les 200 à 300 faucheurs présents ont envoyé une lettre au préfet disant: « j’y étais ». Mais en appel, les juges ont refusé de les juger.

Le pouvoir peut décider de ne pas vous mettre en examen. Même si on a commis un délit devant huissier !

J’ai déjà été jugé avec 49 faucheurs (sur les 200 présents) à Orléans. On a jamais su pourquoi ces 49 là. Sans doute les « têtes » et ceux qui conduisaient les véhicules… Nous avons été relaxés en 1ère instance au motif que nous avion agi par état de nécessité devant un danger imminent. En Appel, le jugement a été cassé. L’Appel a été confirmé en Cassation.

Au tribunal, il y a 3 présences 1-  les 3 juges et 2 assesseurs 2-le Parquet qui représente l’Etat 3- la ou les parties civiles qui représentent les jugés.

Au jugement pénal, nous avons écopé de 2 mois de prison avec sursis (2 mois fermes pour les récidivistes), plus 1000€ d’amende pour chacun (1270 au final avec tous les frais).

Au jugement Civil, nous saurons (en mai), après que des experts aient décidé, combien nous aurons à payer de dommages et intérêts.

Monsanto, la victime, demande 640 000€. Nous, nous estimons à 150 000€ les dégâts causés.

Chaque faucheur est prévenu des risque qu’il encourt – prison, amende – pour que chacun assume. Bien-sûr il y a une solidarité.

Monsanto repère les plus solvables d’entre nous – exemple de Gilles : un huissier est passé dans son appartement de Paris et l’a estimé à 220000€. Il a été saisi.

Les OGM

Les espèces évoluent de façon naturelle. La modification des gènes existe de façon naturelle. Quand on laisse faire la nature, l’écosystème s’équilibre. Dans le cas des OGM, les scientifiques cherchent à croiser, non dans la même famille, mais tous azimuts. Ils croisent des gènes de plantes, d’arbres etc.

Les faucheurs ne sont pas forcément contre les OGM car il y a un intérêt à croiser les gènes. le problème c’est qu’une fois fait on ne peut plus contrôler ni revenir en arrière. Lorsqu’on agit sur un organisme, ça agit aussi sur celui d’à côté. il ne faut donc pas laisser ses organismes en liberté.

Aux paysans qui cultivent des OGM, nous posons la question : « garantissez-vous que vos cultures génétiquement modifiées n’iront pas contaminer le champ d’à côté »? Aucune assurance n’accepte de couvrir les cultures OGM. les risques de propagation sont trop grands.

Le seul OGM autorisé est le maïs Monsanto 810. Il produit son propre insecticide.

Le problème des cultures OGM c’est qu’elles relèvent plus du bricolage que d’une méthode rigoureuse et techniquement au point.

Il y a 2 sortes d’OGM: 1- ceux qui produisent leur propre insecticide, 2- ceux qui peuvent absorber de l’herbicide sans mourir (le problème c’est que nous les mangeons, ces OGM…)

Le pesticide est localisé et ponctuel dans le temps. Si on arrête 10-15 ans, la terre se régénère. Les OGM, eux, on ne les tient pas. Ca ne peut pas s’arrêter. Toutes les cellules de la plante vont se mettre à produire ce pesticide, ce qui le multiplie par 100, 1000 etc.

On lutte contre une loi qui autoriserait la co-existence de champs OGM à côté d’autres sans OGM.

On veut pouvoir consommer ce qu’on veut, or s’il y a co-existence, il y a forcément contamination.

Il existe un protocole pour mettre une plante sur le marché. Les firmes font les essais elles-mêmes sans forcément communiquer les informations. Corinne Lepage, ministre de l’environnement, avait d’ailleurs saisi la CADA pour obtenir de Monsanto qu’il livre le dossier concernant les études réalisées. Peine perdue. C’est finalement Greenpeace Allemagne qui l’a récupéré. On a pu ainsi travailler sur des chiffres et mettre en évidence quelques problèmes, entre autres : les rats mâles ayant consommé des OGM  ont un foie plus gros, les femelles plus petit.

Le brevetage du vivant

Depuis des millénaires, on plante, on fait pousser, on garde des graines pour l’année suivante. Depuis la fin du XIXème siècle, on peut inventer une semence pour laquelle on dépose un brevet. Quand d’autres veulent utiliser la semence déposée, ils payent. Mais c’est un scandale car la semence est un bien qui appartient à tous.

L’argument avancé pour légitimer la culture des OGM est la faim dans le monde. Or, les pays dans lesquels les agriculteurs cultivent des OGM deviennent dépendants des producteurs d’OGM. Ils sont obligés de leur acheter les semences tous les ans.

En France, on n’a pas le droit d’échanger ses graines avec le voisin. Il existe un brevet d’obtention générale: si on achète une semence qui est dans ce catalogue, on a pas le droit de la revendre ou de l’échanger.

A la longue, si on ressème, les  graines deviennent hybrides. Les paysans sont obligés de racheter petit à petit des semences.

En 1850, en Grande-Bretagne, les 1ers semenciers ont réfléchi sur la manière de faire de l’argent sur les semences. A l’époque la justice avait dit non. Ils ont donc fabriqué des hybrides pour pouvoir les répertorier comme semences nouvelles.

Dans la production d’un agriculteur canadien étaient présents des gènes non « voulus ». Il a été condamné car la loi dit qu’on est responsable de sa culture.

On peut voler des semences, les faire breveter et toucher des droits !

En Afrique, des femmes cachent des semences non encore au catalogue pour prouver éventuellement leur antériorité.

Inscrire une graine au catalogue coûte 15000€

 L’organisation du collectif des faucheurs

En son sein, il n’y a pas de pouvoir décisionnaire, que des individus. C’est la charte qui nous relie avec pour principes fondamentaux la non-violence et l’action à visage découvert. Notre but est, non pas de faucher tous les champs d’OGM, mais de se faire entendre – passer en justice permet d’avoir une tribune. Pour des raisons médiatiques, une ou deux personnes se proposent comme « coordinateurs » pour diffuser de l’information. Ils se retrouvent également pour faire des bilans d’actions et des projets. Les coordinateurs ne sont pas toujours les mêmes, ça tourne.

On sait qu’on est sur écoute et certainement aussi noyautés. Pour s’échanger des informations, on a donc recours au courrier postal. Quand on va à un rendez-vous, on ôte les batteries de nos téléphone portables pour ne pas être repérés. Greenpeace nous conseille, nous entraîne aux actions non violentes par exemple (car il n’est pas forcément évident de se contenir devant les provocations des policiers…)

On a plus peur des paysans que des forces de l’ordre.

En garde-à-vue, on dit: « j’ai rien à dire ». Une fois l’audition terminée, on discute d’autres choses avec les policiers. La relation est plutôt sympathique. On ne parle que devant le juge. On a jamais eu d’embrouille avec les gendarmes. Avec les CRS, oui.

Parmi les faucheurs, on compte 50% de femmes et d’hommes. Nous avons constaté que lors des confrontations avec les forces de l’ordre, les policiers étaient assez violents avec les hommes qui étaient en première ligne. Nous avons donc décidé un jour de placer femmes et enfants devant. Les forces de l’ordre étaient bien embêtées. Les médias, sur ces faits, ont accusé les faucheurs d’exposer les femmes et les enfants !

83% des français ne veulent pas d’OGM.

S’il y a confrontation aujourd’hui c’est que l’Etat français, depuis 2001, aurait dû produire une loi réglementant la culture des OGM. L’absence de loi a fait que le maïs Monsanto a été autorisé, que le paysan peut dire: » ce que je cultive est légal ». C’est l’Etat qui est responsable.

Le Grenelle: moratoire en stand by

les ministères de l’environnement et de l’agriculture sont en confrontation.

La loi vient de passer, en avril 2008, à l’assemblée – déjà acceptée au Sénat – donnant désormais (normalement) un cadre aux modalités de cette culture.

OGM très présents en Espagne et Roumanie (il y a eu un moratoire depuis). Pas en Italie, ni en Allemagne.

Une directive européenne pose un cadre – que les Etats interprètent différemment – quant à la co-existence des champs et le dédommagement (qui ne porte que sur la production sans tenir compte qu’ensuite, la terre est « morte »). Le cadre concernant la coexistence est assez dissuasif.

Des maires de communes ayant décidé d’interdire les OGM ont vu leur décision cassée par le préfet.

La France est assez coincée entre les lobby OGM et la population.

les labels (bio par exemple) ne peuvent plus être garantis.

 

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