Dans le cadre de notrre chantier sur la démocratie en 2006, nous avons rencontré Michel Bourgain
Notre compte rendu n’a pas été relu parMichel Bourgain, il peut donc comporter des erreurs.
Le compte rendu
Depuis les dernières municipales, Michel Bourgain est maire de l’Ile-Saint-Denis, commune de 7 000 habitants. Une victoire due à la mobilisation de citoyens, depuis plusieurs années, autour d’enjeux très concrets. Le 19 janvier, il est venu raconter au groupe son expérience.
Membres des Verts et maire de l’Ile-Saint-Denis depuis l’an passé, Michel Bougain, 54 ans, est issu de milieu ouvrier. Maoïste en 1968, il décide de se mobiliser vingt ans plus tard face à l’ascension des idées lepénistes dans sa petite ville de l’Ile-Saint-Denis (93). « Le Pen faisait 20 % de voix dans la commune. On a décidé de quitter le combat idéologique pour s’occuper de la vie concrète des habitants, au jour le jour. »
Partir des besoins du terrain
Michel Bourgain et son petit groupe d’amis militants décident de commencer par ce qui fait le quotidien des gens. L’un des gros problèmes, dans le 93, c’est l’échec scolaire : le département a les résultats scolaires les plus mauvais de France. Michel et ses proches décident donc de créer une association d’entraide scolaire, Ebullition. En se rapprochant des associations de parents d’élèves, ils finiront par monter un dossier pour demander le passage en ZEP (zone d’éducation prioritaire), que la mairie a refusé jusque-là pour ne pas stigmatiser la population. « Les gens se sont tellement mobilisés que la municipalité a fini par soutenir le dossier », se souvient Michel Bourgain.
Un enfant fauché par une voiture, et les voilà en train de réclamer un nouveau feu rouge à la Ville. Un autre qui tombe à la Seine, ils se mobilisent pour demander la mise en place de bastingages de protection… Dans les deux cas, les revendications sont acceptées, ce qui donne confiance au groupe pour aller plus loin.
Du foisonnement associatif à la victoire politique
Bientôt, d’autres associations voient le jour : l’une d’insertion économique afin d’embaucher des chômeurs pour s’occuper des berges de la Seine ; une autre pour mener un travail de sensibilisation à l’environnement ; une troisième s’occupe de commerce équitable ; un potager bio a permis de ressusciter le marché de la commune… Tout ceci suscite la création de 35 emplois au sein des différentes associations créées. Et un restaurant inter-associatif finit par voir le jour.
Au centre de toutes ces initiatives, une poignée d’anciens soixante-huitards, auxquels se sont joints des militants issus de l’immigration. Ce même groupe formera l’ossature de la liste « citoyenne » qui, en 2001, à la surprise générale, reprend la mairie au Parti communiste.
Depuis, Michel Bourgain et ses proches font le difficile apprentissage de la gestion municipale. Difficile, car ils n’ont pas de culture gestionnaire. Et que les personnes compétentes – services techniques et administratifs de la Ville –, elles, n’ont pas la culture de la démocratie participative. « Les techniciens considèrent toute volonté de faire participer les habitants comme une marque de défiance à leur égard », estime le maire. Ainsi, lors des vœux de la municipalité, le personnel, mécontent que tous les habitants – et non pas, comme c’est l’usage, les seuls institutionnels – aient été invités, a refusé de faire le service… Tant mieux : ce sont les élus qui l’ont fait !
Un tramway nommé attente…
Michel Bourgain nous a parlé du projet de tramway, qui doit traverser l’Ile-Saint-Denis sur 300 mètres. Comme la voie est très étroite, il faut choisir entre élargir la rue et démolir les façades, ou limiter la circulation des voitures (ce dernier choix ayant la préférence de la Ville).
La RATP, chargée de réaliser la ligne, organise une première séance de concertation. Un technicien assène qu’il faut deux voies pour le tram, deux voies pour les voitures, et que la seule solution consiste donc à casser les façades pour élargir. « Nous avons demandé une deuxième expertise, au service de la population et que la RATP paierait », raconte le maire. La RATP commence par refuser, arguant qu’une première expertise a déjà été faite, que ce sont eux les experts compétents et qu’elle est un service public, qui, par conséquent, défend les intérêts des habitants.
La municipalité décide de monter un atelier d’urbanisme sur cette question, avec de vrais spécialistes. Mais qui va payer ? « Le tram est financé par la Région et par l’Etat : nous estimons que c’est à eux de payer l’atelier », résume Michel Bourgain. Comme la mairie a le pouvoir de faire prendre du retard au projet, ils finissent par dire oui à l’atelier d’urbanisme. « Mais ils voulaient que ce soit moins cher et que nous prenions des experts de la DDE. On leur a répondu que nous ferions nos propres esquisses et que nous négocierions ensuite avec leurs experts. »
Suivent des mois de discussion, alors que l’horizon est la mise en circulation du tram en 2006. « On nous demande de donner notre avis en juin 2002. On leur dit qu’on n’aura jamais fini l’atelier d’urbanisme à cette date-là. Et ils répondent : mais si, mais si… »
La Ville avait prévu de commencer l’atelier en septembre dernier. Mais il faut 2 millions de francs pour le mettre en place. Et le dossier traîne… « En décembre, nous n’avons toujours pas l’accord sur ce budget. C’est le bras de fer, car le délai se raccourcit. Nos experts travaillent sans savoir s’ils seront payés ! », poursuit Michel Bourgain
Et pendant ce temps, la pression monte : « On nous reproche de risquer de tout faire capoter pour 300 mètres alors qu’il s’agit de l’intérêt général ! Un jour, le maire de Gennevilliers m’a appelé pour me dire que nous foutons la merde : ils attendent ce tram avec d’autant plus d’impatience que 2007 est une année d’élection. » Et qu’il ne faudrait pas les perdre pour une histoire de tram…