Philippe Merlant

Le 24 novembre 2012, dans le cadre de notre chantier sur la propagande, nous travaillons  avec Philippe Merlant, journaliste, auteur de « Médias, la faillite d’un contre pouvoir » et membre de la compagnie NAJE. Il utilise des textes de Norman Baillargeon pour son intervention.
Il ne s’agit pas d’une conférence mais d’un moment de travail du groupe. 
 
1/  Philippe Merlant nous fait faire en collectif le questionnaire d’un sondage : le « baromètre de confiance dans les médias », réalisé chaque année par l’institut TNS-Sofres et publié par le quotidien La Croix
Ce sondage comprend les questions suivantes :
1. En général, à propos des nouvelles que vous lisez dans un journal/entendez à la radio/voyez à la télévision/sur Internet, est-ce que vous dites :
« Les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme le journal/la radio/la télévision/Internet les raconte. »
         Croyez-vous que les journalistes sont indépendants, c’est-à-dire qu’ils résistent :
         aux pressions de l’argent
         aux pressions des partis politiques et du pouvoir.
 
Nous y répondons ensemble et nous donnons le pourquoi nous avons répondu de manière différente les uns les autres et débattons sur cela et sur la manière même de formuler les questions.
 
Les résultats sont les suivants :
• Pour la confiance dans les journaux : 65 % de « oui » (les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme le journal le raconte) dans notre groupe (contre 51 % de « oui » dans le sondage national).
Quelques commentaires : « Les journaux que je lis, je leur fais confiance » ; « On choisit ce qu’on veut bien nous dire, on nous dit pas tout » ; « Je crois ce que je lis, mais vais aussi voir ailleurs ! » ; « Ce qui est écrit ne se marque pas dans ma tête » ; « La presse quotidienne régionale est en train d’être bousillée par la mutualisation des contenus et la standardisation ».
• Pour la confiance dans la radio : 50 % de « oui » dans notre groupe (58 % dans le sondage national).
• Pour la confiance dans la télévision : 2 % de « oui » dans notre groupe (48 % dans le sondage national).
Quelques commentaires : « C’est vraiment un outil d’abrutissement » ; « Un outil à décerveler » ; « C’est toujours très court » ; « Le montage des images permet de dire ce qu’on veut » ; « La succession des images est vraiment insupportable » ; « Chaque info est présentée comme un show » ; « Les ficelles sont encore plus visibles à la télé » ; « Les faits peuvent être vrais, mais ça ne nous dit rien sur l’état du monde » ; « C’est le concours pour avoir le meilleur Audimat » ; « Il y a parfois des mensonges : j’ai été présentée comme une syndicaliste… alors que je ne le suis pas ! »
• Pour la confiance dans Internet : 50 % de « oui » dans notre groupe (37 % dans le sondage national).
• Pour l’indépendance des journalistes par rapport au pouvoir de l’argent : 80 % de « non » (ils ne sont pas indépendants) dans notre groupe (59 % dans le sondage national).
• Pour l’indépendance des journalistes par rapport au pouvoir politique : 90 % de « non » dans notre groupe (66 % dans le sondage national).
 
2/ Nous nous séparons en  8 groupes, chacun étant chargé de préparer une improvisation à partir d’une des  campagnes de propagande faite par E.  Bernays :
         remettre au gout du jour les chapeaux,
         remettre au gout du jour le velours,
         doper les ventes du savon Ivory,
         amener le public a aimer les ballets russes,
         faire en sorte que les femmes se mettent aussi à fumer,
         détruire le tramway afin de développer l’industrie automobile,
         faire passer l’intervention  de la CIA au Guatémala pour y mettre un président qui rende les terres prises à une entreprise par l’Etat ,
         faire accepter la guerre en 1917 avec la commission Creel)
Voir les situations dans le doc joint (copié collé tiré de la préface  de Propaganda faite par Baillargeon
 
3/ Nous voyons en grand groupe les différentes improvisations relatant ces campagnes de propagande puis échangeons quelques impressions sur ce travail. Parmi les commentaires des uns et des autres :
« Nous sommes sensibles à la propagande quand nous entendons ce que nous avons envie d’entendre »
« Ça joue beaucoup sur l’affectif »
« Il faut une tierce personne qui relaie le discours propagandiste : après, ça se propage comme une épidémie »
« La propagande par le témoignages personnel fonctionne très bien, c’est même un peu effrayant ! »
« Le contenu importe moins que la forme »
« On utilise des arguments pseudo-scientifiques »
« La propagande utilise le rapport au plaisir, mais aussi à la culpabilité »
« Il y a aussi le pouvoir de l’argent, la corruption »
« La bonne propagande ne dit jamais son objectif »
« Nous sommes tous victimes, malgré nous, de cette propagande : comment sortir de là ? »
« La propagande, c’est quand il n’y a aucune opposition possible face à un discours »
« La propagande vante toujours le mouvement, la bonne santé, le dynamisme, la jeunesse »
 
4/ Nous prenons connaissance d’un texte de Philippe à partir de Baillargeon décrivant quelques procédés de manipulation et nous mettons en sous groupes avec des journaux pour les y rechercher les procédés.
 
 5/ Nous rendons compte en grand groupe de ce que nous avons trouvé dans les journaux.
Voici quelques-unes de ces « trouvailles », et les commentaires qui vont avec.
• Dans Les Échos, un article sur le travail le dimanche, qui voit la question à travers le seul angle de la concurrence (et non pas comme un problème social).
• Dans le supplément week-end des Échos, un article sur « Le retour coloré de l’opale » : très « spécial riches », on y apprend notamment que les diamants, c’est devenu terriblement banal (« Il n’y a rien qui ressemble plus à un diamant qu’un autre diamant » !)
• Dans Le Monde, trois brèves évoquant des violences dans des pays musulmans (Mali, Pakistan, Syrie) : « Pourquoi les mettre ensemble ? Sinon pour faire monter l’islamophobie ».
• Dans le journal de la Maif, un article sur l’apnée du sommeil qui se termine en évoquant « des traitements très efficaces ».
• Un supplément au Parisien sur l’artisanat qui est en fait un publi-reportage (mais sans que ce soit clairement signalé)
• Dans Le Revenu :
         des actions en Bourse présentées comme des « stars »
         un jargon technique incompréhensible
         « Le gaz de schiste, une révolution ! »
• Dans un reportage sur Notre-Dame-des-Landes :
         un abus de langage : l’utilisation du mot « squatteur », alors qu’on est sur les terres de paysans
         l’expression « 11 agriculteurs qui parviennent à s’introduire dans le débat national » : plutôt dévalorisante pour le mouvement
• Dans un article de L’Humanité sur le deal à Saint-Ouen, quelques clichés :
         « L’un des greniers à cannabis de la capitale »
         Un dealer n’a pas de copine !
• Dans Marianne, un gros dossier à la « une » : « De quoi la France doit-elle s’excuser ? » avec de grosses ficelles :
–      une liste fourre-tout qui mêle plein de problèmes différents
–      une question qui contient implicitement la réponse
–      des expressions comme « inflation mémorielle »
–      un retour sur l’invasion de la Gaule par Jules César pour « excuser » la guerre d’Algérie
• Dans La Décroissance, une attaque « ad hominem » de Clémentine Autain.
• Dans Charlie Hebdo, une interview de Frédéric Joi qui tourne essentiellement autour de la question : « Mahomet est-il un menteur ou un fou ? »
• Dans 20 minutes, toujours à propos de Notre-Dame des Landes, un encadré mettant l’accent sur les policiers blessés
• Un article du Figaro sur « L’Afrique de Grands Lacs : un gâchis » : « C’est à la fois trop précis, trop abstrait, trop compliqué… Donc on en ressort avec encore plus de confusion qu’avant de lire ! » (plus des expressions à la va-vite, par exemple : « Comme souvent au Congo, la politique du chien crevé au fil de l’eau a prévalu » !)
 

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