Sylvie Thébault et Darlène

Le 26 janvier 2013, dans le cadre de notre chantier sur la propagande, nous avons rencontré Sylvie Thébault (agricultrice sur la zone de l’aéroport de Notre Dame des Landes et membre de l’ACIPA) et Darlène qui s’est installée sur la ZAD.
 
Attention, notre compte rendu n’a pas été relu par Sylvie Thébault et Darlène ; il peut donc comporter des erreurs. 
 
LE COMPTE RENDU DE NOS ECHANGES
 
Sylvie : Mon mari et moi, on est agriculteurs. On est arrivés en 1999 à ND des Landes. Nous occupons un terrain – 60 hectares – menacé d’expropriation pour construire l’aéroport. En 2008, le projet a été déclaré d’utilité publique et les procédures d’expropriation ont débuté. A la fin du mois, nous serons considérés comme occupants illégitimes et illégaux, comme tous les jeunes qui sont là.
 
Darlène : Nous on est occupants squatteurs, pas légitimes dès le départ. On occupe des maisons d’expulsés. Je suis à ND des Landes depuis un an et demi.
 
Sylvie : Le projet de ZAD (zone d’aménagement différé) date des années 1960. Le Conseil général a créé un droit de préemption sur cette zone et s’est donc constitué une réserve foncière au fil des années – 900 hectares jusqu’en 2008 (sur 1850 prévus). Sont concernés par ces préemptions des agriculteurs, des biens qui ont été transmis par héritage et le bois de Roanne (50 hectares environ). A l’automne ont eu lieu des expulsions avec destruction des maisons.
 
À la création du projet ZAD, l’ADECA (association de défense des exploitants contre le projet d’aéroport) s’est mobilisée. Il était question d’un énorme aéroport avec 4 millions de passagers (celui de Nantes n’a même pas ce débit !), où le Concorde pourrait atterrir, et qui assurerait une liaison avec New-York.
 
Lors de notre installation, en 1999, toutes nos terres n’étaient pas dans la zone concernée, mais pour éviter le village de Lépine, la zone a été élargie vers chez nous. Le projet, en dormance jusqu’en 2000, a été réactivé sous Jospin. S’est alors créée l’ACIPA (association intercommunale contre le projet d’aéroport), qui a fait pression pour que le droit de préemption cesse.
 
En 2003 un débat public est organisé par les autorités qui était une mascarade. L’argumentaire des promoteurs du projet reposait sur deux points : 1- saturation de l’aéroport de Nantes, 2- sécurité de la ville de Nantes (survol des avions). Les associations ont contre-argumenté en donnant d’autres pistes, mais tout a été balayé et le projet a été déclaré d’utilité publique. Un collectif de pilotes s’est également mobilisé. En fait, la saturation de l’aéroport de Nantes ne justifie pas le projet. Derrière tout cela, il y a des projets d’urbanisation et d’aménagement sur Nantes et c’est pour cela qu’ils veulent déplacer l’aéroport 20 kms plus loin, à ND des Landes.
Le processus de débat public nous a fait prendre conscience que les arguments avancés sont un vaste mensonge. Nantes a été classé meilleur aéroport en 2011. Nous pensons qu’il vaut mieux l’aménager plutôt que le démolir. De plus on investit dans le transport aérien alors qu’il consomme énormément d’un pétrole dont les ressources s’amenuisent. Enfin, il y a 147 aéroports en France, alors un de plus…
 
Il s’est aussi créé une coordination des associations comprenant l’ACIPA et une quarantaine d’autres, dont Greenpeace, la Confédération paysanne, Europe Écologie-Les Verts, le Front de Gauche, etc. Leur travail a été de porter le projet d’aéroport à la connaissance nationale.
À l’été 2009 est organisé le « Camp Action Climat ». Beaucoup de personnes nouvelles affluent, des jeunes surtout, et s’établissent là, occupent les maisons vides, construisent des cabanes et se joignent à la lutte.
 
Darlène : Je ne suis pas militante mais les amis autour de moi, oui. Je les suis aux contre-sommets des G8 et G20 en 2011 (en France). A ces occasions on invente des villages autogérés, mais l’idée est de décentraliser les actions par rapport aux G8-G20 et de les organiser à d’autres dates. Il faut donc trouver un lieu où l’on puisse s’installer longtemps pour expérimenter des choses et réfléchir ensemble à ce que c’est que vivre dans un monde non capitaliste.
On choisit de s’installer à la ZAD car c’est une lutte locale qui s’inscrit dans le national. On s’installe trois semaines. C’est plutôt un échec car la répression est forte. 300 personnes sont venues mais nous n’avons pas eu l’effet escompté, surtout au niveau international.
Toujours en 2011, une association européenne pour se réapproprier les terres et les cultiver est venue créer un potager collectif, le Sabot, et des installations maraîchères sont réalisées.
 
Les rapports avec la population locale ne sont pas simples, les objectifs n’étant pas tout à fait les mêmes. Notre lutte est internationale et à ND, c’est celle de l’aéroport qui prime. Pour moi, c’est le monde qui va avec cet aéroport qui ne va pas : ça veut dire quoi détruire 2 000 hectares avec du béton ? Est-ce que c’est justifié ? Et c’est comme ça dans plein d’endroits du monde – est-ce que c’est justifié ? Vinci {qui a obtenu la concession du projet d’aéroport à ND des Landes] a acheté plein de terres dans le monde et possède beaucoup de concessions pour des projets qui ne seront même pas réalisés.
Dans cette expérience, j’apprends la vie en collectif et les discussions, les tensions et les dissensions. Je me plais bien, c’est l’été, je n’ai pas de travail en vue, je décide donc, avec d’autres, de rester. Aidés de la population, nous nous installons dans une autre friche.
 
Le 2 juillet 2011, l’ACIPA organise une manifestation citoyenne non violente à l’aéroport de Nantes. La police charge ceux qui montent dans les étages. Des clowns sont là, quelques murs sont tagués. Une femme, isolée par les CRS, est gravement blessée. Ils n’appellent pas les pompiers (côtes cassées, poumon perforé…). C’est elle qui parvient à les appeler de son propre téléphone !
 
Notre mode de vie, c’est de récupérer au maximum ce qui peut être récupéré, de dépenser le moins possible d’argent (éviter de réinjecter de l’argent dans le système), de recycler tout ce qui peut être recyclé, de donner une 2e vie aux objets… On récupère dans les poubelles des supermarchés des denrées alimentaires mais aussi des objets jetés (cagettes entières de légumes, yaourts, etc.).
Un jour les anciens habitants du lieu qu’on avait investi sont revenus, on était 15 ! Moi, je faisais des allers retours entre Paris et ND, puis j’ai habité une caravane. Là, j’ai connu plus de monde, je faisais des films, des photos… Ce qui m’intéressait, c’était les procédures, les juges qui déclaraient : « Votre terre, elle vaut tant. Si vous acceptez tant mieux, sinon c’est la procédure ! » Des gens sont contents de cette rentrée d’argent, d’autres ne veulent pas partir. Nous on est là pour ces gens-là (qui sont souvent âgés et habitent là pour certains depuis cinquante ans).
 
A ND des Landes, sur 2 000 hectares, il y  a une trentaine de lieux comme le nôtre, dont Le Far-West qui est un lieu-cabane dans un arbre qui est devenu en dur (ce groupe est fort) ou une chèvrerie où ils font du fromage,. Nous n’avons pas tous la même approche ni la même idée politique de ce que nous faisons là. Il n’y a pas vraiment de collectif, ce sont plutôt des groupes affinitaires.
Au début, j’habitais là sans être vraiment engagée. J’étais en mode observation, je filmais et prenais des photos. Les jeunes étaient tous cagoulés devant les médias, je m’y suis mise moi aussi pour ne pas me différencier. C’était par peur des représailles et aussi pour que notre image ne soit pas exploitée. Je dérangeais parfois, car caméra et appareil photo sont l’apanage des « médias-bourgeois » qui, à l’époque, nous traitaient comme des « méchants squatteurs ».
 
Certains ont engagé des actions que je trouve contreproductives : par exemple, rentrer cagoulés au Super U, remplir des caddies et sortir sans payer. Médiatiquement parlant et de l’avis de la population, ce n’est pas possible ! La ZAD n’a pas adhéré globalement à cette action. Pour certains, voler ce n’est pas une évidence, pour d’autres ça se défend…
Pour être certains de ne pas être infiltrés par des policiers, on agit souvent à quatre, ou en binôme. Il faut se faire confiance, se connaître. Si 30 ou 50 personnes arrivent sur la ZAD, il faut les assimiler, faire des réunions pour les connaître. C’est difficile de vivre avec ce truc-là tout le temps. Et puis on ne doit pas parler trop de soi, ça peut se retourner contre nous.
 
Sylvie : Les opposants institutionnels (ceux du début) ont essayé d’élargir la lutte pour mobiliser davantage, et c’est réussi. La difficulté est que le public se rajeunit considérablement et qu’il y a une grande diversité de motivations. On a parfois l’impression d’un cocktail explosif. Certaines actions sont quand même portées par tous, comme l’installation maraîchère et le Sabot, en 2011.
Certains anciens qui étaient contre l’arrivée des jeunes bougent, se remettent en question sur leur façon d’appréhender le monde, la société et son fonctionnement. On est interpellés par la venue de ces jeunes, leur courage dans les conditions difficiles (surtout l’hiver), leur système de débrouille, de partage et de récupération…
 
Les zadistes sont nombreux et éparpillés, je ne les connais pas tous mais j’ai de bons contacts en général. Mais notre association fonctionne de façon verticale avec une hiérarchie. Tandis que les jeunes fonctionnent de manière horizontale.
En mars 2012, on a fait ensemble la manifestation à l’aéroport de Nantes. La presse a titré : « Attention, les radicaux arrivent ! » Cette manifestation a été lourde à mettre en place, avec des AG successives, mais, mis à part quelques débordements, ça a été une réussite. Tout cela dans une ambiance « peur sur la ville », et les commençants avaient été appelés à fermer boutique !
 
Pour nous, paysans, le processus juridique nous dépossède de nos biens. On subit sans cesse des pressions – appels téléphoniques, démarchages : « Faudra payer un avocat, ça vous coûtera cher ! », etc. L’ACIPA a pris un avocat pour défendre collectivement les gens concernés.
Quand le juge d’expropriation vient estimer chaque bien que le propriétaire ne veut pas vendre à l’amiable, il est escorté de gardes mobiles en habits anti-émeute. Idem pour les forages. En fait toute action sur le terrain est encadrée par des flics ou des militaires – ce sont souvent les mêmes qu’on revoit à chaque fois.
 
Darlène : On leur parle, on leur dit qu’ils seront peut-être obligés de nous taper dessus un jour… Ils nous conseillent de ne pas nous mettre sur leur chemin pour ne pas y être obligés… Ben si, justement !
 
Les rapports avec les médias sont compliqués. Les journalistes qui viennent ne savent pas à qui parler : « C’est qui votre chef ? », nous demandent-ils en arrivant. On a montré à France 3 notre façon de vivre, le potager, la cuisine collective, etc. Mais eux, ils ont mis l’accent sur le groupe qui vit dans la forêt et qui ne veut pas parler aux journalistes. Ils sont devenus « les méchants, les casseurs » alors qu’en fait ils sont plutôt bisounours et font des câlins aux arbres ! On est là pour vivre, notre but n’est pas de casser.
 
Sylvie : ND les Landes, c’est 1 600 habitants qui sont très partagés à cause du « bazar », des jeunes « pas bien habillés » et « qui se nourrissent de n’importe quoi ». Au moindre vol, on accuse les squatteurs.
La population nantaise, indifférente auparavant, s’est émue au printemps 2012 de la grève de la faim de deux agriculteurs. C’était en plein campagne présidentielle. On a obtenu que tous les occupants réguliers à la date de 2008 ne soient pas expulsables tant que tous les recours n’auront pas été épuisés. Ça nous a donné l’assurance qu’on ne serait pas mis à la porte du jour au lendemain. Sur une quarantaine de paysans concernés, dix n’ont pas signé à l’amiable. Financièrement ils proposent un prix moyen, un prix agricole (16 centimes/m²) alors qu’ils vont libérer des surfaces à Nantes au prix de 4 000€/m² et donc faire des profits phénoménaux ! Aujourd’hui, il ne reste reste plus que deux agriculteurs à ne pas avoir épuisé les recours.
 
En 2012, suite à l’opération César (vaste offensive policière – qui s’est soldée par un échec – pour déloger les jeunes et montrer que le projet d’aéroport « va se faire »), nous avons obtenu la reconnaissance de certains journalistes qui ont adhéré à notre contre-argumentation. Lors de cette opération, jeunes et habitants se sont alliés pour résister. En face, c’était les gaz lacrymogènes, les bombes assourdissantes et les flash-balls.
Mon mari était sur les barricades et me disait : « On devient pas forcément fin à côtoyer les CRS ! » L’opération a solidarisé les opposants et amené les journalistes à discuter sur le fond du projet.
Un jour, j’allais désembourber un voisin avec mon tracteur et me suis trouvée face à un  camion de garde mobiles : « Vous avez vos papiers ?  Vous êtes qui ? On passe pas ! » J’entendais les échanges radios avec leurs chefs : ils parlaient de moi comme une activistes, ils disaient que des gens arrivaient par les champs, se demandaient si c’était des paysans ou des anarchos… En manœuvrant, j’ai percuté la voiture des flics (j’avais oublié que j’avais un outil qui dépassait à l’avant !) :  constat, les flics m’ont emmenée chercher mes papiers à la maison, puis retour !
 
Comment une population peut-elle résister à un opération programmée comme César ?
 
Darlène : On est à notre avantage sur ce terrain-là – la terre : en octobre, c’est très humide et les flics ont un harnachement lourd et encombrant. Ils sont habitués à la ville (sauf les brigades particulières) mais pas à intervenir dans les champs ! La boue et les fossés, nous on s’en fout.
De plus, on a été prévenus de leur arrivée, et on a pu se préparer. On savait qu’ils interviendraient trois jours par semaine et qu’ils commenceraient par tel lieu. On a déplacé nos caravanes, certains se sont défendus, d’autres, non violents, se sont enfermés dans leur maison avec des journalistes.
Depuis un moment, une action squatteurs-habitants était prévue dans une maison vendue à l’amiable. On l’a intégrée à la résistance. A l’arrivée de la police, on était en cellule de crise en temps réel, et on faisait des flash-infos (sur le net) en direct sur ce qui se passait dans la maison, sur nos besoins. Les flics étaient assez cordiaux, pas trop tendus. Nous on leur disait qu’on les détestait, on les interrogeait sur ce qu’ils allaient donner à manger à leurs enfants, etc.
Finalement, notre lieu de vie a brûlé. Je suis allée vivre à La Gaîté, une autre maison. Le potager, qui nourrissait 60 personnes, a été détruit par les gaz lacrymogènes. On a tenté de protéger le Sabot en faisant des barrages sur les routes pendant que certains ramassaient les légumes… Deux jours plus tard, ils étaient encore là : on avait très peur car on craignait qu’ils frappent hyper fort, et on a eu droit à des tirs tendus de gaz lacrymo pendant 4 à 5 heures. On avait froid, il pleuvait, mais « on ne lâchera pas ». Il y avait la zone de guerre et le Sabot. On allait s’y réchauffer, on mangeait un peu et on retournait dans la zone de guerre.
Et là, d’un coup, des gens s’intéressent à nous et sont avec nous ! Ils viennent de l’extérieur, nous amènent des vêtements et de la nourriture, les routes sont bloquées, mais on passe par des chemins agricoles…
Quand les flics viennent, ils ratissent tout à la pelleteuse – la boue, les gravats –, et il n’y a plus rien après ! C’est très violent. Pour les autochtones, voir des maisons en pierre et puis plus rien, c’est terrible. Trois semaines plus tard, le Sabot est terminé, la zone est expulsée, 13 maisons et cabanes détruites.
 
Le 17 novembre 2012, une action de réoccupation (pensée un an avant au cas où) commence. Des élèves de l’école d’architecture de Nantes viennent avec des préfabriqués qu’ils montent, des cabanes en kit, dans le bois de La Châtaigne. Comme une ville montée en quelques heures grâce à des chaînes humaines sur 250 mètres. On entendait les marteaux chanter dans les bois. Et un village s’est reconstruit en une semaine avec une cabane de réunion collective, une cuisine, un atelier manufacture, des {sleepings} avec une infirmerie…
Une manif réunit 40 000 personnes et 400 tracteurs dans un village de 1600 habitants ! Des personnes sont venues de toute la France (200 comités de soutien existent), certains n’ont jamais atteint le bois… Après, les flics reviennent à 6h du matin, avec des bombes lacrymo, expulser les jeunes du squat des Rosiers, devenu « expulsable » grâce à l’accélération de la procédure. A La Châtaigne, en présence du sous-préfet, les flics ont confisqué tous les outils de construction et les matériaux, ont posé des scellés sur les cabanes. A 22 heures ils sont partis, on est revenus.
 
Pendant un mois, il n’y a pas eu de blessés, on sentait une volonté que tout se passe bien. C’était pour les flics comme un exercice grandeur nature, et puis les journalistes étaient là… Ensuite, la presse n’étant pas partout, il y a eu des tirs tendus, des tirs au flash-ball dans les parties génitales ou les seins, des grenades assourdissantes (dangereuses car ils ne savent pas bien s’en servir !), des bombes de désencerclement (avec des éclats de plastique qui restent dans les chairs), et là il y a eu des blessés.
Dans la forêt de Rohanne, les gens avaient construit des cabanes dans les arbres (des Anglais surtout). Le 24 novembre, une brigade de grimpeurs de Briançon est venue, c’était un vendredi et plein de gens sont arriver pour nous aider. Ils chantaient autour des CRS, il y avait des clowns et la Presse. Ils ont encore utilisé les gaz lacrymo et les bombes assourdissantes. Ailleurs, certains se sont avancés tout nus devant les gendarmes dans une attitude pacifiste et non violente. Ils ont été gazés au poivre (ça brûle et ça pique la peau) et arrêtés pour attentat à la pudeur.
 
Sylvie : Il y a d’un côté le discours politique (on éradique les radicaux et les terroristes) et, de l’autre, les médias qui montrent les images de personnes nues contre les gaz lacrymo… D’un côté, l’épisode des deux fugueuses réfugiées – et comment une certaine presse a rapporté l’affaire – et, de l’autre, les marches de soutien qui sont parties de Lille et de Nice…
 
Et aujourd’hui ?
 
Sylvie : Les politiques ont gelé les choses pour calmer l’emballement médiatique. Ils font pourrir la situation. Une commission de dialogue a été créée, on ne sait pas si on doit y aller ou non. Le collectif des élus est sceptique. Il y a de petits incidents – les fugueuses, la façon dont c’est relayé par les médias. Dans ce vide médiatique, les marcheurs de Nice (qui sont un comité de soutien parmi des centaines) organisent des festiZAD, le 9 février notamment, qui sont des concerts à ND des Landes.
 
Darlène : Sur la zone, on est 300 zadistes environ. Le nombre fluctue. Il y a de tout : des gens qui viennent parce qu’il se passe quelque chose là, d’autres pour en découdre avec les flics, des inconnus qui passent, qui ne savent pas trop où ils en sont et qui viennent dormir et manger gratuitement. C’est pas facile à gérer. Nous, les vieux zadistes, on est une quarantaine et on se retrouve envahis comme les premiers habitants qu’on a envahis. On s’est fait dépasser par un truc. Et on a du mal à remonter la pente, avec la fatigue, la dureté des conditions de vie, le froid humide, la boue… On est crevés.
Pendant un mois, on a vécu uniquement de la nourriture qui venait de l’extérieur, on pouvait pas sortir faire les courses. La nourriture arrive encore, mais on considère que ce n’est pas ça l’autonomie. On veut retrouver notre autonomie.
Les flics sont toujours au même carrefour, ils contrôlent, observent, ils ne laissent pas passer l’essence ni de matériel inflammable, pas de bois. La nuit, ils surveillent avec des jumelles infra-rouges. On vit une sorte d’état de siège qui mine. On passe par les champs, on les insulte. Même en vélo, on se fait contrôler. Certains refusent de donner leur identité.
José Bové est venu ouvrir un squat, mais dès le lendemain, il n’y avait plus personne ! On considère que c’est de l’usurpation mais au niveau médiatique, ça aide.
 
Sylvie : Même si au niveau national il y a des compromissions avec le PS, ma position est moins radicale que celle d’un zadiste car, sur le terrain, des élus Verts se battent à nos côtés. Et le principal, pour nous, c’est de gagner.
Aujourd’hui on est protégés par la Déclaration d’utilité publique de 2008 – ce n’est pas juridique, mais c’est porté sur la place publique. Sur huit recours, six ont été jugés (qui ont tous été perdus), et deux sont en cours. Le dernier jugement a été rendu le 18 décembre 2012. Dès la visite de l’huissier, on aura un mois avant l’expulsion, même si on n’a pas encore touché l’argent ! Pour l’instant, on n’a pas de plan B, on a rien cherché d’autre. Mais on peut sans doute demander un délai, un sursis : 30 vaches, ça ne se déménage pas comme ça !
 

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